Un moment d'émotion fort qui nous galvanise...samedi dernier nous avons enterré les jardins de Fred...
Vous êtes entrés dans ce jardin, comme moi j’y suis entrée. Sans repères, peut-être.
Étourdis par la houle fracassante d’un monde que vous ne comprenez pas. Tentant, malhabiles, de tracer une ligne claire dans le fouillis de vos aspirations. Vous heurtant, doux rêveurs, au fameux principe de réalité. Alors que vous, vous le sentez farouchement, vous n’aimez que les chemins de traverse et les voies buissonnières.
Vous saviez si peu de choses, vous ne savez toujours pas grand-chose, mais vous êtes entrés dans ce jardin, comme moi. L’endroit vous a saisis. L’espace s’est déployé devant vous. Vous ne pensiez pas que cela pouvait encore exister. Pas ici, pas avec les exigences actuelles, celles qui vous enserrent et vous étouffent dans leurs filets. Un lieu où respirer. Un lieu où prendre le temps. Un lieu où vivre. Exister autrement qu’un nom à rayer d’une liste.
Ici, vous êtes abrités au sein de la déferlante animale et végétale. Et la chaleur qui émane des regards, des gestes et des paroles, si simplement, vous aide à tenir debout chaque fois un peu plus ferme. Les mains accompagnent la vôtre sans la guider, avec respect, bienveillance et profonde humanité.
Même si vos plaies n’ont pas disparu, qu’elles laissent leur marque à demeure dans votre corps, un souffle nouveau vous a parcourus, sans fanfare ni tambours. Un rythme fécond, vital, une remontée de sève, l’occasion d’un envol, pourquoi pas ?
Tout est là. Rien ne peut faire que cela n’ait pas été. Malgré tout, malgré l’achèvement, la colère, la tristesse, l’irrémédiable de la perte; tous les souvenirs, tous nos souvenirs dansent ensemble, entre les branches, parmi les arbres de ce jardin où vous êtes entrés, comme moi.
Ils ne s’éteignent pas mais restent tapis sous la surface. Ils tissent la trame de lendemains pour lesquels nous n’avons pas encore de mots. Ils nervurent la terre de leurs espoirs assoupis, comme les graines en dormance.
Comme elles, patients et tranquilles, nous attendons la reverdie, nous l’attendons et la bâtissons. Nous fourbissons nos futurs en secret.
Tendez l’oreille, bientôt l’avenir sera là, prêt à exploser en mille couleurs.
Julia, ex bénéficiaire des Jardins de Fred
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